Le Grand Bond de Tara B. à Shanghai

shanghai-bund-night-1213148_1920
Vivre « ailleurs », à l’étranger est pour moi une possibilité formidable de s’ouvrir l’esprit en étant confronté à d’autres modes de vie, en s’obligeant à se sortir de ses petites habitudes matérielles et intellectuelles. Mais je ne crois pas non plus que ce soit un passage obligé ni qu’il convienne à tout le monde.

profil_web
©Grand_Bond_au_Milieu

Cela fait presque deux ans qu’elle nous (me) fait rire, nous (me) rebooste et nous (me) fait rêver à travers son blog Le Grand Bond au Milieu. Tara B., petite quarantaine d’années, vit à Shanghai avec son mari (qu’elle nomme MMM « MonMeilleurMari ») et ses deux enfants (respectivement Beauté Brune et Beauté Blonde). Originaire de Paris, fille d’expatriés, Tara B. a vécu, enfant, en Algérie, en Côte d’Ivoire, en Indonésie, au Nigéria et en Corée du Sud.

Lorsque j’ai lu ces informations dans son « Qui suis-je ? », puis dans ses réponses, je me suis dit « Waouh » et « Et ben ». Du coup, j’ai souhaité en savoir plus sur Tara B. en lui donnant la parole.

Tara est aussi la première à témoigner dans la rubrique Migration.

Je suis un peu curieuse… te rappelles-tu de ce que tu ressentais, enfant, lorsque vous deviez partir pour une autre maison dans un autre pays ? N’était-ce pas difficile de devoir retrouver de nouvelles habitudes, de nouveaux amis, de nouveaux repères ?

[…] « l’expat » qui s’est révélée la plus dure pour moi a été, et de très loin, la France…

Enfant je n’ai pas souvenir d’avoir jamais senti un manque ou une angoisse particulière à l’idée de changer de pays (jusqu’à l’âge de 11 ans nous avons pourtant déménagé tous les ans, la plupart du temps pour changer de pays). Peut-être parce que j’ai suivi mes parents à l’étranger à partir de un an (ma sœur est née pendant la période d’expatriation) et que depuis ma toute petite enfance c’était donc notre mode de vie normal. L’environnement changeait mais notre point de repère c’était la famille nucléaire, et où que nous allions ma mère faisait en sorte de très vite installer notre logement de manière à ce que nous nous sentions immédiatement « chez nous ». « Chez nous » c’était là où était la famille, le reste était presque accessoire. Ce n’est qu’après-coup, bien des années après, que j’ai pu sentir que toutes ces ruptures avaient tout d e même laissé des traces.

Mon seul souvenir d’un départ est celui de notre départ de Corée, dont je suis partie préadolescente. Je me revois sanglotant à fendre l’âme à l’aéroport en attendant notre vol pour Paris : non seulement je quittais ce pays où j’avais vécu 3 ans, m’inscrivant pour la première fois dans la durée quelque part, mais je rentrais en France où finalement je n’avais aucun repère et où je sentais bien que notre vie allait radicalement changer. Niveau de vie, activités, type de vacances, établissement scolaire, camarades de classe, tout allait être différent et j’avais peur. Et l’ampleur du choc a même largement dépassé mes craintes. Au final, « l’expat » qui s’est révélée la plus dure pour moi a été, et de très loin, la France…

L’expatriation est un choix. C’est l’envie de vivre à l’étranger pour un temps, de découvrir autre chose et de vivre autre chose. Par contre comme l’indique Tara B., nous ne connaissons pas vraiment « à l’avance » notre destination…

« Pourquoi la Chine ? », c’est une question qu’on me pose souvent, notamment mes lecteurs sur le blog. Et je réponds toujours que – comme beaucoup d’expats – nous n’avons pas à proprement parlé « choisi » notre destination. Nous avions envie de partir et l’entreprise de mon mari lui a proposé plusieurs possibilités, lesquelles dépendaient des implantations de l’entreprise et de leurs besoins en ressources humaines et non de nos envies personnelles. La Chine ne faisait pas partie de nos destinations de rêve (j’aurais mille fois préféré l’Asie du Sud-Est), mais après avoir refusé un autre pays pour des questions de sécurité nous nous sommes dit « pourquoi pas ? » Et nous ne regrettons absolument pas notre oui. La Chine est une belle découverte jusqu’ici.

… où l’installation et l’adaptation suivent un processus bien spécifique. Elle l’explique très bien sur son blog dans sa rubrique Expatriation, étape par étape. Je vous certifie qu’en lisant ses articles, comme moi, vous vous direz : « mais c’est vraiment trop vrai ce qu’elle écrit ! ».

L’arrivée dans un nouveau pays, c’est un peu comme commencer un nouveau boulot ou accueillir un nouvel enfant : au début on est submergé, on ne comprend pas comment ça marche, les choses les plus basiques prennent un temps et une énergie folles, on ne sait pas à quelle porte aller taper quand on a un problème, et on est trèèèèèèès fatigué. Les trois premiers mois sont très intenses, au bout de six on commence à se sentir plus à l’aise et après un an c’est bon, vous êtes à votre place et tout roule. Et tout comme avec un bébé on risque de flirter avec le baby-blues, à l’étranger on peut flirter avec l’expat-blues pendant plusieurs mois.

[…] l’adaptation […], il faut y mettre un peu d’énergie et de bonne volonté. Et à chacun sa recette pour y parvenir.

Désormais nous sommes tous bien adaptés à notre environnement : nous avons nos habitudes, nos repères, un train-train normal et confortable comme n’importe quelle famille. Nous apprenons tous le mandarin, découvrons le pays avec enthousiasme et nous débrouillons dans la vie quotidienne pour nous faire comprendre.
Le temps est un facteur important pour l’adaptation, mais je crois qu’il faut aussi y mettre un peu d’énergie et de bonne volonté. Et à chacun sa recette pour y parvenir. Pour nous le socle ce fut bien sûr les routines travail et école, pour tous puisque j’ai eu la chance de trouver un travail ici avant même l’arrivée, dans le même secteur qu’avant mon départ. Mais cela ne suffit évidemment pas et nous y avons ajouté les ingrédients suivants : découverte à haute dose de notre ville, apprentissage de la langue, nombreuses lectures pour moi pour comprendre l’histoire du pays et sa culture et l’expliquer aux enfants, bref nous sommes allés activement à la rencontre de notre pays d’accueil et de sa culture pour ne pas les subir. L’humour nous a beaucoup aidé, de même qu’une grande tolérance à l’égard de la différence culturelle, mais nous avons aussi accepté que les moments difficiles, voire de déprime puissent faire partie intégrante de cette expérience. Nous y étions préparés et nous n’avons pas enfoui ces émotions plus douloureuses, ce qui je crois nous a permis de les dépasser plus vite.

Aujourd’hui, penses-tu que vous vous êtes bien intégrés à la vie à « Shanghai » ?

Je ne dirais pas que nous sommes « intégrés ». Il faut être honnête, notre mode de vie reste très différent de celui des chinois moyens, pour des questions à la fois de niveau de vie (par exemple il n’y a pas de chauffage dans les logements standards à Shanghai, ce qui n’est pas notre cas) et de différences culturelles immenses. Se faire des amis chinois est par exemple très difficile, entre barrière de la langue et conceptions culturelles radicalement différentes de ce qu’est l’amitié. N’ayant ni le projet de vivre ici à long terme et encore moins celui de demander la nationalité chinoise, « l’intégration » complète me semble plutôt relever d’un fantasme un peu onirique, fantasme d’ailleurs très franco-français.

Alors, ils sont vraiment différents les chinois ?

Dire que les chinois ne nous ressemblent pas est un euphémisme. Nous nous accordons sur certains points : nous reconnaissons à nos pays respectifs le fait d’être des nations avec une grande culture et une grande histoire, et nous sommes chacun convaincus d’avoir la meilleure cuisine du monde.

Pour le reste, les chinois fonctionnent souvent aux antipodes de nos repères. Se racler la gorge pour cracher, roter, péter sont perçus comme des actes physiques parfaitement naturels (inutile donc de s’en cacher ou s’en excuser). Pousser quelqu’un sans ménagement pour entrer dans le métro est normal, mais se lever spontanément et avec le sourire pour laisser s’assoir un enfant ou une mère avec un bébé aussi. Quand nous sommes amenés à gronder un de nos enfants en public et qu’il se met à pleurer il est fréquent qu’un chinois vienne lui donner un bonbon : que nous laissions pleurer un enfant sans le consoler, même trois minutes, leur est insupportable. Et ils sont horrifiés que mon plus jeune traine son doudou avec lui et le porte à la bouche, ils voient ça comme le comble de la saleté. Il y en aurait des centaines à raconter, et tout cela n’est qu’une toute petite partie émergée de l’iceberg de nos différences culturelles… Pour les curieux, de mon côté j’ai bien rigolé (toutes mes excuses Tara…), lisez sa série d’articles Ces petits riens qui me disent « tu es en Chine ».

Tara et sa famille vont encore rester un petit moment à Shanghai. Pour ma plus grande joie, d’autres articles seront postés sur son blog. Lorsque je lui demande si elle prévoit, avec sa famille, de rentrer en France, « pour toujours » comme lui dit parfois son aîné, Tara m’indique que : « Même si l’expatriation fait en quelque sorte partie de mon ADN depuis l’enfance, mon identité française aussi et je ne me vois pas quitter mon pays pour toujours. ».

Pour terminer (question qui reviendra souvent dans les interviews) : la mobilité est-elle importante pour toi ? Pourquoi ? Si tu devais convaincre quelqu’un de bouger, que lui diras-tu ? 

« Mobilité » c’est un terme très à la mode, comme « agilité », « adaptabilité » ou encore « polyvalence ». Je ne les aime pas trop parce qu’ils sont assez connotés par la nécessité de performance au nom des résultats de l’entreprise ou de l’économie, parfois au mépris de l’expérience vécue par les concernés. Vivre « ailleurs », à l’étranger est pour moi une possibilité formidable de s’ouvrir l’esprit en étant confronté à d’autres modes de vie, en s’obligeant à se sortir de ses petites habitudes matérielles et intellectuelles. Mais je ne crois pas non plus que ce soit un passage obligé ni qu’il convienne à tout le monde. On peut être mobile en changeant de métier, de manière de travailler, de ville ou de région. La mobilité internationale n’est qu’une des formes que cela peut prendre, et il n’y a aucune honte à dire « je n’aime pas vivre à l’étranger » ou « ce pays ne me convient pas, je n’en peux plus, rentrons ». Beaucoup de gens craquent en Chine et n’aiment pas vivre ici, et ce n’est effectivement pas la destination d’expatriation la plus facile. Ce n’est pas plus un échec de rentrer que de démissionner d’une entreprise qui ne vous convient pas.

Alors si je devais encourager les gens sur le départ je dirais : préparez-vous (un peu, beaucoup) et ensuite allez-y, ce n’est pas si grave si ça ne marche pas exactement comme vous vouliez, il y aura toujours moyen de faire machine arrière. Et vous prenez juste le risque de vous surprendre à aimer ça.

GrandBondMilieu_Grande_Muraille
©Grand_Bond_au_Milieu Grande Muraille

Merci beaucoup Tara pour ton témoignage.

Si vous voulez suivre ses aventures, cela se passe sur son blog mais aussi sur sa page Facebook. Et pour voir les choses en vrai, rendez-vous sur son compte Vimeo.

>>>>>>>>>> Zusammenfassung in Deutsch <<<<<<<<<<

Tara B : leben in China

Das erste Interview von der  neuen Migration Rubrik

Sie heißt Tara.B und sie ist die Autorin des Blog „Le Grand Bond au Milieu“. Sie kommt aus Paris (Frankreich). Sie lebt seit 2 Jahren in Schanghai mit ihre Familie. Sie ist die Tochter von Ausland-Lebende-Eltern. Kind, sie hat bis zum Alter von 11 Jahren im Ausland (in Algerien, in La Côte d’Ivoire, in Indonesien, in Nigeria und in Südkorea) gelebt. Immer reisen und leben im Ausland sind für sie nicht ein Problem. Am härtesten, für Tara, ist gewesen, als sie zurückgekommen ist, nach Frankreich zu leben.

Sie denkt, dass Ausland Leben eine gute Erfahrung ist. Obwohl es kompliziert ist, kann Man über andere Kultur, Tradition und Leben lernen. Leben in China war nicht eine Wahl. Ihr Mann hat nach China eine Berufliche Veränderung bekommen. Die erste Monate waren sehr schwer… Sie hat ein Jahr gebraucht, um sich anzupassen… aber es ist nicht genug. Es ist schwer, sich in Schanghai zu integrieren. Leben und Kultur in Schanghai sind wirklich verschieden als Europa. Beispiel ? Auszuspucken auf der Straße,  Bäuerchen machen und furzen sind normal… aber… Wenn ein Kind oder ein Mutter mit ihrem Baby in U-Bahn sind, schenken Chinesische Leute einen Sitzplatz an… Leute sind höflich.

Tara und ihre Familie werden noch ein oder zwei Jahr(e) in China leben. Danach möchten sie vielleicht nach Frankreich zurückkommen.

Seid Ihr in Ausland leben ? Was ist Taras Rat ? „Bereiten Sie sich vor (ein wenig oder viel). Dann gehen Sie darin. Das ist nicht so ernst, wenn das nicht genau geht wie Sie wollten. Es ist immer möglich, um einen Rückwärtsgang zu machen… und… Sie werden sich verwundern, das zu gern haben.“

Möchten Sie Taras videos sehen ? Das ist auf Vimeo.  Schönen Tag noch !!!